Dans les pas d'un détective privé …
Un très bel article concernant notre confrère Alain Rousseau :
Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Magnum… littérature et séries TV ont fait beaucoup pour la construction du mythe du détective privé. Mais au Taillan-Médoc, au coeur d’un de ces lotissements à l’américaine, pas de Ferrari rouge dans le jardin ni de Tom Selleck sur le pas de la porte. Crâne dégarni, petites lunettes et veste de costume plutôt que chemise à fleurs, Alain Rousseau, 57 ans, est détective. Et ce n’est pas de la fiction.
Installé depuis 1985, il n’était en rien prédestiné à traquer le mari volage ou l’entrepreneur indélicat. « J’avais repris l’entreprise de bâtiment de mon père mais j’avais envie de changer de vie, explique-t-il. J’ai toujours eu le goût de l’enquête, il y a un côté ludique, c’est le jeu du chat et de la souris. J’ai envisagé d’entrer dans la police, mais j’aime trop mon indépendance. Alors j’ai vendu l’affaire familiale et j’ai créé mon agence. »
Des écoles de détectives
À l’époque, il était très facile de se lancer dans l’aventure. Un casier judiciaire vierge avait valeur de sésame. Mais depuis 2003, un agrément auprès de la préfecture est nécessaire. Pour l’obtenir, il faut avoir en poche un diplôme d’une des écoles reconnues par la profession (Paris, Montpellier, Nîmes, Melun…). Des écoles qui dispensent une vraie formation, tant théorique, en droit notamment, que pratique. Car dans chaque cas, le détective rédige un rapport d’enquête, qui a valeur d’attestation : c’est le juge qui décide d’en tenir compte ou pas.
« Mais dans beaucoup d’affaires, ça ne va pas jusque-là. Le rapport est utilisé pour négocier avec la partie adverse. » Le mari surpris au saut du lit est souvent plus enclin à s’entendre gentiment…
Mais ce ne sont plus forcément les histoires d’alcôves qui font le beurre du détective. « Les constats d’adultère, c’était la grande majorité de mon activité à mes débuts, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui », confirme Alain Rousseau.
Non, le gros du marché s’est déplacé du côté des entreprises : concurrence déloyale, détournement de clientèle, débauchage de personnel, contrefaçon, enquête de solvabilité, les sources de contentieux sont nombreuses.
« Dans la région, il y a aussi beaucoup d’affaires de vol dans les propriétés viticoles. Dans ces cas-là, on fait suivre le chauffeur, où on fait embaucher un agent qui se présente comme un intéri- maire. » De quoi regarder son nouveau voisin de bureau avec méfiance…
Le travail du détective a donc lui aussi évolué. La planque (en voiture, dans un buisson… « avec l’objectif de se fondre dans le décor ») et la filature (« comme à la télé, en laissant une voiture intercalée, et avec des techniques comme conduire dans l’angle mort ou faire plusieurs fois le tour des ronds-points »), restent les bases du métier.
Internet et les réseaux sociaux
Mais avec l’arrivée des nouvelles technologies, le travail de bureau est devenu essentiel. « J’ai débuté à l’annuaire et à la cabine téléphonique, se souvient Alain Rousseau. Internet, c’est un gain de temps considérable. Les bases de données professionnelles, les réseaux sociaux (Facebook, Copains d’avant), les blogs, c’est une mine d’or. Je me souviens notamment d’un homme dont la maîtresse avait mis en ligne leurs photos de vacances. Autant dire que l’enquête a été vite bouclée. »
Plus que l’imper et la pipe, ordinateur, GPS et téléphone portable sont les meilleurs alliés du détective moderne. Même si tout ça ne vaut rien « sans intuition, ténacité, et beaucoup de patience, car une planque peut durer des heures sans qu’il ne se passe rien », précise Alain Rousseau.
Après vingt-cinq ans de métier, il ne semble toujours pas gagné par la lassitude, même s’il affirme avoir « tout fait, tout vu ». Et notamment des clients un peu particuliers. « Une ou deux fois par an, je tombe sur de vrais paranoïaques. Comme cette personne qui affirmait que son voisin se baignait dans sa baignoire en son absence, ou ce chercheur du CNRS persuadé que l’on s’introduisait chez lui pour lui voler des documents.
« Chaque cas est particulier, c’est ce qui est intéressant. Ce n’est pas routinier, on part sur le terrain, aux quatre coins du département voire de la France, et on rencontre des personnes très différentes (avocats, chefs d’entreprises…). Et puis il y a toujours l’envie de découvrir ce que l’on veut nous cacher. La recherche de la solution est un moteur inépuisable », conclut Alain Rousseau. Le mythe a encore de beaux jours devant lui…
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