Quand Alain Juillet défend la "stratégie d'influence"
Très peu loquace depuis son départ du poste de HRIE (Haut responsable chargé de l’intelligence économique) pour lequel il n’a toujours pas été remplacé, Alain Juillet a donné une très longue interview à la revue Comes , dans laquelle il détaille sa conception de la « stratégie d’influence ». Sans donner sa réponse, qu’on devine, il s’interroge sur nos décideurs qui auraient trop le nez sur le guidon : « Le politique est-il aujourd’hui apte à comprendre les enjeux liés à l’influence, qui impliquent une distanciation par rapport à l’événement, et la nécessité d’une perception de l’action dans la durée ? » Alain Juillet revient également sur le débat concernant l’influence internationale des fondations et des think tanks français, et remarque : « Trop souvent, chez nous, les fondations ne sont créées que pour la gloire d’un homme, d’une entreprise, d’un parti qui va les financer, quand ce n’est pas pour donner un poste de président à une autorité que l’on veut consoler ou récompenser. » Il poursuit : « On voit bien qu’il n’y a pas de réelle volonté de sortir de l’existant, de se projeter, de se remettre en cause, de faire naître un authentique débat d’idées. » Il ne va pas se faire que des amis, quand il regrette un manque de diversité chez les chercheurs qui « sortent tous peu ou prou des mêmes moules, des mêmes écoles, ont les mêmes référents et les mêmes méthodes de raisonnement. Ils peuvent être très bons, là n’est pas la question, mais ils présentent presque tous des profils similaires ».
Cet ancien officier parachutiste du service action, aujourd’hui colonel de réserve, qui fit ses premiers pas au SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage, ancien nom de la DGSE) dans les années 1960, prend pour exemple de la capacité à chercher des idées ailleurs, celui de l’armée américaine venue chercher des idées en France : « Confrontés à un type de guerre qu’ils ne comprenaient pas, les Américains n’ont pas hésité à aller puiser des enseignements chez les théoriciens français de la contre-guérilla comme Trinquier, Galula, Lacheroy, Hogard ou Sassi. Ils sont pragmatiques. Puisque les Français ont gagné la bataille d’Alger sur le terrain, ils se sont demandé comment ils avaient fait. Il ne s’agit pas là de porter un jugement de valeur mais de savoir ce qui peut être utile, chez l’allié, le concurrent ou l’adversaire, pour sortir d’une situation qui de prime abord paraît inextricable. » Et il a cette jolie formule que chacun, sans doute, peut méditer : « Il ne faut jamais oublier que ce que nous croyons juste n’est pas forcément la véritable réponse. Il nous faut réapprendre à douter de nos certitudes. C’est le doute qui fait progresser. » Pour ceux qui se demandaient pourquoi la République avait créé pour lui un poste de Haut responsable chargé de l’intelligence économique, la réponse est peut-être là. Mais les temps sont-ils au doute ?
http://www.lepoint.fr/actualites-monde/2009-06-16/idees-quand-alain-juillet-defend-la-strategie-d-influence/1648/0/352938