Licencié à cause de Facebook : ce que (ne) dit (pas) le droit …
Petit rappel des faits : Trois salariés ont échangé sur Facebook des propos critiques envers leur entreprise. Une personne ayant, en tant qu’«amie» sur Facebook, accès à ces propos, les a reproduits et transmis à l’employeur. Ce dernier à licencié les salariés concernés pour «incitation à la rébellion» et «dénigrement de l’entreprise».
La question de la validité de ce licenciement est complexe. Le conseil des prud’hommes n’a pas pu trancher faute d’accord entre les juges. Et les avocats spécialistes de ces questions semblent également assez perplexes (voir ici et là).
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Que dit la jurisprudence ?
En matière de diffamation et d’injure, les délits diffèrent selon que les propos sont tenus de façon publique ou privée. Et la jurisprudence a établi les contours de ce qui était privé ou public : en substance, en droit de la presse, les tribunaux jugent que les propos sont publics lorsqu’ils sont adressés à « diverses personnes qui ne sont pas liées entre elles par une communauté d’intérêts » (Cass. Crim 24.01.1995 / Cass.civ. 23.09.1999). Tel est par exemple le cas d’une «lettre ouverte» adressée à certaines personnes, mais pouvant parfaitement être lue par d’autres (car cette lettre n’était pas confidentielle).
De prime abord, on semble pouvoir considérer que les « amis facebook » d’un utilisateur ne constituent pas des personnes liées par une communauté d’intérêt, ce qui plaiderait vers le caractère public des propos publiés sur un mur Facebook …
Il en serait peut-être autrement de propos publiés sur un espace Facebook créé spécifiquement pour débattre d’un sujet précis («groupe Facebook») : par exemple, si des salariés d’une entreprise créent un groupe Facebook pour parler d’un sujet précis, et que seuls les membres du groupe peuvent avoir accès aux propos échangés, on pourrait considérer que les membres de ce groupe sont bel et bien liés par une communauté d’intérêt et que leurs échanges sont dès lors privés…
Outil de communication nouveau, Facebook pose certes des questions inédites et qui ne manquent pas de susciter débat, voire incompréhension. Mais comme souvent dans ce type d’affaires, il y a de bonnes chances qu’émergent des réponses juridiques adaptées avec du bon sens et à la condition que les juridictions se plongent dans le fonctionnement concret de ces nouveaux outils que sont les réseaux sociaux.
Quant aux utilisateurs, il devraient, comme dans toute situation juridique nouvelle (donc incertaine !) adopter l’attitude la plus prudente possible et considérer, par défaut ,que tout propos publié sur Facebook est —jusqu’à nouvel ordre?— public…