Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI)
Le blues des RG, engloutis dans le nouveau pôle du renseignement
LE MONDE | 07.04.08 | 13h10 • Mis à jour le 08.04.08 | 10h27
Les textes fondateurs de la nouvelle direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ont été adoptés lundi 7 avril. Sur les trente-six personnes, patrons des grands services et syndicats de police, qui ont participé à une réunion présidée par le directeur général de la police nationale, Frédéric Péchenard, toutes sauf une ont voté en faveur des cinq décrets portant réforme du renseignement. Ces derniers signent la disparition de la direction de la surveillance du territoire (DST), née en 1944, et des renseignements généraux (RG), créés par le Front populaire en 1937, mais dont le nom est apparu pour la première fois en 1911. Aujourd’hui, le renseignement « à la française » a vécu.
La réforme, décidée par Nicolas Sarkozy et mise en œuvre par la ministre de l’intérieur, Michèle Alliot-Marie, donne naissance à un seul pôle du renseignement inspiré du modèle anglo-saxon, installé à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Quatre missions lui sont assignées : la contre-ingérence étrangère, la lutte contre le terrorisme, la protection du patrimoine et de l’intelligence économique et la surveillance des groupuscules extrémistes. Il regroupera les agents de la DST et plus de la moitié des fonctionnaires des RG, dont la majeure partie est installée en province. Leur travail de renseignement en « milieu fermé » sera soumis au secret-défense.
En parallèle, un millier de RG, plus 450 administratifs, quitteront leur maison pour rejoindre la sécurité publique, afin de travailler sur le renseignement en « milieu ouvert » dans trois principaux domaines : l’analyse institutionnelle (les sans-papiers, l’environnement…), la sécurité des voyages officiels, l’ordre public (les manifestations étudiantes, les routiers, les paysans…), ainsi que les violences urbaines et sportives. Une sous-direction de l’information générale (SDIG) a été spécialement créée, pilotée par Serge Guillen, un pur produit des RG, et son adjoint, Emmanuel Ponsard, ex-directeur des RG de Créteil. Depuis deux mois, les deux hommes, accrochés à leur téléphone, ont tout fait pour apaiser les craintes. Car les RG ont le blues.
Sous le couvert de l’anonymat, Michel, « vingt ans de maison » dans le Nord, dit son amertume : « On disparaît comme ça, sans vague, totalement phagocytés par la DST, alors que nos cultures n’ont rien à voir. » Un autre, installé dans le Sud-Ouest, redoute une « baisse de qualité ». « Avant, on bossait plutôt bien parce qu’on savait où on mettait les pieds. Là, il faudra quasiment que je me méfie de mes anciens collègues. » « Le défi de cette réforme va être de préserver les savoir-faire des deux maisons qui sont complémentaires, sans perte d’information », acquiesce Patrice Ribeiro, secrétaire général adjoint du syndicat Synergie Officiers. « Il faudra voir à l’usage », commente Henri Martini, secrétaire général d’UNSA-Police.
Les réticences sont aussi plus prosaïques : pas envie de changer de lieu ou d’habitudes, ni, surtout, de rejoindre un commissariat que l’on a parfois quitté des années auparavant. Il a donc été décidé que les RG ne quitteraient pas leur port d’attache. La séparation physique entre le « renseignement intérieur » et les « infos générales » en sécurité publique se fera « en montant des cloisons, en installant des verrous, des coffres-forts », selon un responsable. Dans le Gers, par exemple, après séparation, cela ferait cinq fonctionnaires de part et d’autre.
Mercredi 9 avril, ce sera au tour du ministère de l’intérieur de valider cette organisation. Nul doute qu’elle sera révisée par la suite et que les plus petites implantations seront amenées à disparaître. Pour l’heure, des médailles « commémoratives » ont été mises en circulation. Celle des RG, de 7 centimètres de diamètre, devait être achetée 18 euros – « un comble », râle un fonctionnaire.
Isabelle Mandraud