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L'avenir de l'intelligence économique après le départ d'Alain Juillet

Posté par Arnaud Pelletier le 11 mai 2009

Le poste de Haut Responsable à l’Intelligence économique créé par Dominique de Villepin quand il était Premier Ministre, est désormais vacant.
L'avenir de l'intelligence économique après  le départ d'Alain Juillet Le départ d’Alain Juillet marque la fin d’une étape dans le processus de développement de l’intelligence économique en France. Le repositionnement de cette fonction au Ministère de l’Economie a été évoqué et semble une idée logique étant donné la place déterminante qu’occupe ce ministère dans l’administration du pays.

Mais la nomination d’un inspecteur général des Finances à ce poste est une démarche difficile car il reste à trouver la personne bien câblée au sein d’une corporation qui n’a pas la réputation de s’être remise en question sur la manière de penser la stratégie de puissance de la France. Alain Juillet fut le premier à le constater en rencontrant les représentants de la haute administration des Finances au début de son mandat. Ces derniers lui rappelèrent leur façon de penser en indiquant qu’il n’y avait pas plus de deux ou trois gros dossiers par an à traiter en matière d’intérêt national. Cette sentence était sans appel. Elle signifiait que la marge de manœuvre du nouvel HRIE allait être très étroite entre les sherpas de l’Elysée et les directeurs de cabinet des grands ministères qui se firent très vite représentés par des seconds couteaux dans les réunions interministérielles où étaient évoqués les dossiers à consonance intelligence économique.

Dans le passé, la tentative d’installer le pilotage de l’intelligence économique à Bercy donna lieu à deux précédents. Le recentrage de l’intelligence économique à Bercy avait déjà été tenté en 1995 quand Jean Arthuis dirigeait ce ministère dans le gouvernement Juppé. Cette première tentative fut en fait une régression puisqu’elle se substituait à la création du Comité pour la Sécurité et la Compétitivité économique, structure présidée par Edouard Balladur quand il était à Matignon. Lorsque Nicolas Sarkozy devint ministre de l’économie et des finances en 2004, il signa une lettre de mission pour le moins originale en nommant auprès de lui François Asselineau, membre du corps de l’Inspection générale des finances comme responsable de l’intelligence économique.

Pour la première fois apparaissait l’embryon d’une vision stratégique sur l’approche géoéconomique du monde et la prise en compte des stratégies d’accroissement de puissance des pays concurrents. Les directives  fixées dans cette lettre ne furent jamais appliquée dans les faits. Le changement d’attribution ministérielle de Nicolas Sarkozy aboutit à la marginalisation de François Asselineau qui, dépité, quitta son poste sans avoir pu passer à l’action. « Jamais deux sans trois ? » dit le proverbe ? Telle est la question. Malgré les bouleversements générés par la crise du système capitaliste anglo-saxon et les nouvelles tensions géoéconomiques avec les puissances montantes comme la Chine, la Russie et l’Inde, la perception des rapports de force reste encore très traditionnelle dans la haute administration française. Cette dernière doute encore de la pertinence, voire de la légitimité du passage à un véritable processus de management de l’information pour conduire la politique économique de la France dans un monde de plus en plus incertain et conflictuel.  Autrement dit, à moins d’un miracle, il n’y pas grand-chose à attendre d’un repositionnement de l’IE à Bercy.

Le bilan d’Alain Juillet résume bien les contradictions du système. L’Etat a initié une sensibilisation à l’IE à des niveaux de décision intermédiaires de plusieurs ministères. La sécurité économique est aujourd’hui prise en compte de manière pertinente par le Ministère de l’Intérieur. Des ministères techniques comme l’agriculture ont intégré l’intelligence économique au suivi de dossiers sensibles. Certains groupes de travail initiés par Alain Juillet ont abordé des problématiques nouvelles dans le domaine des sources ouvertes comme la manipulation et l’influence. L’intelligence territoriale est en cours de développement à travers la démarche expérimentale des pôles de compétitivité.

Quand on fait le compte, la petite cellule d’Alain Juillet n’a pas démérité. Mais il n’en demeure pas moins vrai que des dossiers majeurs sont restés en suspens. Le premier est celui de la formation et des réformes à entreprendre dans notre système éducatif. Le constat est simple à faire : les étudiants ont une carence majeure en termes de culture générale à l’égard de l’information et de son usage dans le développement des entreprises et des territoires. Cela s’explique notamment par la faillite du programme ES des lycées qui est totalement obsolète par rapport aux réalités du monde actuel. Il est incompréhensible qu’un appareil d’Etat soit incapable d’impulser la refonte fondamentale d’un tel programme qui impacte les élèves des classes de seconde, et la filière ES de première et de terminal.

Ces déficiences endémiques se répercutent depuis des années aux différents niveaux des cycles de formation universitaires. Il n’est pas normal que la grande majorité des étudiants en Bac +5 ou 6 ignorent ce qu’est l’Institut national de la Propriété Industrielle, à quoi sert l’ANVAR, ou comment différencier l’offre publique et privée d’informations à un niveau local, national ou international. Ces lacunes pédagogiques handicapent les jeunes diplômés dans leur approche opérationnelle de la compétition mondiale.

Il existe aussi une autre dimension du bilan d’Alain Juillet qui mérite d’être explorée, le rôle de l’Etat dans la politique publique d’intelligence économique. Alain Juillet a toujours présenté l’Etat en tant qu’accompagnateur des entreprises afin qu’elles abordent la compétition « à armes égales » avec leurs concurrents étrangers. Les enjeux stratégiques sur l’énergie, les matières premières, l’eau et l’environnement sans oublier les plans de sauvetage étatique des banques et de secteurs industriels démontrent que l’Etat a aussi une mission de régulation et stratège que les entreprises et les milieux financiers se sont révélées incapables de remplir dans un but de sauvegarde de l’intérêt collectif. Et c’est là justement que se situe aujourd’hui l’apport déterminant de l’intelligence économique.

La finalité d’une entreprise n’est pas la même que la survie d’une population sur un territoire. L’historien Fernand Braudel nous l’a expliqué dans ses écrits. Il est temps de transposer cette vision de bon sens dans notre pratique quotidienne du développement. Un chef d’entreprise se doit de faire du profit. Un pouvoir politique est élu pour aider un peuple à exister. C’est la grande différence mise en exergue par la crise actuelle. L’intelligence économique est à ce titre un instrument de pilotage essentiel des ressources informationnelles d’un pays. C’est aussi le cas pour le management de l’information appliqué à la conquête des marchés par les entreprises. Cantonner l’IE à des opérations limitées sur des marchés stratégiques est déjà un acquis appréciable mais qui reste insuffisant pour affronter les épreuves à venir. Dans ce dossier, une voix ne s’est pas encore faîte entendre, celle du député Bernard Carayon, qui, ne l’oublions pas, a rédigé deux rapports essentiels sur la question à la demande des deux premiers ministres sous la Présidence de Jacques Chirac.

Christian Harbulot

http://www.usinenouvelle.com/article/l-avenir-de-l-i=ntelligence-economique-apres-le-depart-d-alain-juillet.164237


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Arnaud Pelletier

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