Gestion de crises et entreprises …
L es situations de crise sont devenues consubstantielles de la vie des entreprises. Ces derniers mois, les cas d’école se sont succédé à un rythme qui a de quoi donner le tournis.
Qu’on en juge : Toyota, champion mondial de la qualité, a connu de graves défauts de fiabilité sur certains de ses modèles, obligeant le constructeur japonais à rappeler plusieurs millions de voitures. Le logo en forme de petite fleur verte du pétrolier britannique BP est devenu en quelques jours le symbole de la plus importante marée noire de l’histoire après l’explosion d’une de ses plates-formes dans le golfe du Mexique.
Un trader isolé de la Société générale, Jérôme Kerviel, a pu faire vaciller l’une des grandes banques françaises et entraîné la démission de son PDG. L’électricien japonais Tepco, quatrième producteur mondial d’électricité nucléaire, est tombé de son piédestal après sa gestion calamiteuse de la catastrophe de Fukushima.
Il y a quelques jours, le géant japonais de l’électronique Sony a été victime de cyber-attaques sur son PlayStation Network (PSN), son réseau mondial de jeux en ligne qui compte 77 millions de membres. Conséquences : données personnelles et bancaires des clients envolées et réputation durablement ternie. Plus près de nous, une sombre histoire d’escroquerie maquillée en affaire d’espionnage a jeté une ombre sur le management de Renault.
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Trois facteurs supplémentaires sont venus jouer le rôle d’accélérateur. La professionnalisation des mouvements associatifs, d’abord, qui grâce à un arsenal de spécialistes et de juristes sont devenus des dénonciateurs en puissance d’abus de la part des entreprises.
La prise de distance des salariés avec leur entreprise constitue également une clef de compréhension. Le délitement de cette relation a donné naissance au phénomène du whistleblowing, la dénonciation anonyme de situation potentiellement délictuelle de la part de l’entreprise. L’affaire Enron au début des années 2000 en a été l’exemple le plus éclatant. Enfin, les médias ont leur part de responsabilité : leur multiplication, leur mise en concurrence de plus en plus frontale auxquelles s’est ajoutée la réactivité d’Internet ont renforcé le phénomène de caisse de résonance.
Face à ce changement d’environnement, toutes les entreprises sont-elles égales face au risque ? Certains répondent par la négative : la crise est le fruit d’une succession de dysfonctionnements, qui peuvent être couronnés d’ignorance.
Cette théorie dite « managériale » fait la part belle à une rationalité que d’autres théoriciens comme Nassim Nicholas Taleb, dans Le Cygne noir (Les Belles-lettres, 2008), relativisent. L’accident n’est pas toujours le fruit de l’incompétence, mais peut être provoqué par un grain de sable qui, par un enchaînement non maîtrisé des événements, aboutit à des effets disproportionnés par rapport à la cause de départ. En clair, les grands événements nous prendront toujours par surprise.
Vision assez déterministe, qui ne permet pas d’expliquer pourquoi des entreprises aussi renommées que Toyota, Sony, BP ou Renault se trouvent plongées dans de telles difficultés.
Ce qui frappe à travers ces exemples, c’est que, à des degrés divers, à un moment ou à un autre, ces entreprises ont été victimes d’une déconnexion avec la réalité qui les entoure.
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Par Stéphane Lauer pour lemonde.fr
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