Détective, un métier de plus en plus règlementé …
Quand des villes confient leur sécurité à des détectives.
Interview d’Arnaud PELLETIER directeur de l’agence de détectives : Agence Leprivé.
Policiers et gendarmes rechignant à se déplacer pour de petites infractions, certaines communes recourent aux services de privés.
Si le phénomène reste encore marginal, les syndicats de policiers redoutent qu’il ne prenne de l’ampleur.
A la fin de l’année dernière, un étrange acte de malveillance a mis en émoi la petite ville de Crégy-lès-Meaux (Seine-et-Marne). Chaque week-end, en pleine nuit, un petit malin s’amusait à déverser des milliers de prospectus au milieu de la chaussée. Pendant près de deux mois, la commune a dû batailler pour nettoyer les trottoirs jonchés de papiers et décrocher des arbres les « flyers » ayant volé au vent.
Excédé par l’inaction des policiers de Meaux – dont la municipalité dépend depuis la fermeture de son commissariat –, le maire de Crégy s’en est remis à un détective privé. « On sait bien qu’à Meaux, ils croulent sous les demandes, mais nos administrés n’en pouvaient plus », justifie la secrétaire générale de la mairie, Nicole Lekeux. Après quelques nuits de filature, le coupable a finalement été identifié. Honoraires du privé : 5 000 €.
Au même moment, à 800 kilomètres de là, le détective Robert Diaz était contacté par la commune de Fontaine-de-Vaucluse (Vaucluse). Sa mission : enquêter sur une affaire de faux tickets de parking. « Le maire voulait une enquête discrète et rapide. Or, vous savez comment ça se passe dans un commissariat : on dépose plainte contre X et, après, il ne se passe plus rien pendant six mois ! », explique le privé.
Détective, un métier de plus en plus règlementé
Il ne lui faudra que quelques jours pour boucler ses investigations et rendre ses conclusions à l’édile. Ce dernier contactera alors la police, qui interpellera l’auteur des faits en flagrant délit.
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À entendre les syndicats de policiers, les détectives pourraient bien, à terme, remplir des missions autrefois régaliennes. « C’est d’ailleurs dans ce but que l’exécutif réglemente de façon de plus en plus stricte le métier de détective, décrypte Yannick Danio, délégué national Unité SGP Police. La création en janvier prochain du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) se fait dans cette optique-là. » Les principaux intéressés confirment. « Nous espérons bien devenir de vrais auxiliaires de justice à l’avenir », plaide Christian Borniche, président de l’Union fédérale des enquêteurs de droit privé.
« Ils servent leur client, nous, on sert la population »
Rien d’étonnant, dans ce contexte, à ce que policiers et détectives se voient comme rivaux. « On n’a rien contre les privés, mais on s’inscrit dans une logique tout à fait différente, tient à préciser sans langue de bois Frédéric Foncel, vice-président du Syndicat national des policiers municipaux. Ils servent leur client, nous, on sert la population. »
Arnaud Pelletier, directeur de l’agence Leprivé, fait pourtant le pari d’un rapprochement. « Il faut qu’on se perçoive mutuellement comme complémentaires. À l’heure où la police est soumise à une pression forte en matière d’élucidation, elle devrait plutôt se féliciter qu’on lui amène des enquêtes déjà ficelées. »
Pas sûr qu’un tel argument séduise les forces de l’ordre. C’est précisément cette répartition des rôles qui préoccupe la plupart d’entre elles. « À ce rythme-là, les détectives privés deviendront à la police ce que sont les cours privés à l’éducation nationale, redoute Yannick Danio. Seules les communes les plus riches pourront s’acheter leurs services. »
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Par MARIE BOËTON pour la-croix.com
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