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Intelligence économique

Posté par Arnaud Pelletier le 22 novembre 2007

Avertissement pour les entreprises sur les conséquences de l’application de la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des autorités publiques étrangères.

Dans le cadre des conseils dédiés aux PME PMI en matière d’intelligence économique, le HRIE, Alain Juillet a demandé au coordonnateur ministériel à l’intelligence économique du ministère de l’économie, des finances et de l’emploi, Cyril Bouyeure, de bien vouloir rédiger une note de synthèse sur l’application de la loi du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des autorités publiques étrangères.

Aux côtés de la diffusion d’une culture de l’intelligence économique, de l’aide aux PME, de la prévention et la lutte contre les dépendances stratégiques et de la réduction des incertitudes économiques, la sécurié du patrimoine technologique et industriel de l’économie constitue une des priorités de la politique publique d’intelligence économique.

Dans ce cadre, l’Etat apporte son soutien aux entreprises innovantes et agissant dans les secteurs de technologie avancée. Sur un marché très concurrentiel, des pratiques déloyales sont souvent utilisées pour s’approprier les innovations des concurrents, voire leur outil industriel, ou pour les déstabiliser et les affaiblir. Il revient à l’État d’aider les entreprises à écarter ces dangers et à les informer des risques encourus.

1/ De nouvelles pratiques d’intrusion

Les entreprises françaises sont fréquemment sollicitées par des autorités étrangères à des fins d’obtenir des informations dans le cadre de leurs procédures administratives ou lorsqu’il s’agit pour ces autorités de recueillir des éléments de preuve en vue de procédures judiciaires ou administratives.

Ces requêtes, explicites et qui ne relèvent pas de procédés illégaux tels que l’espionnage économique, peuvent porter sur des informations sensibles pour les entreprises elles-mêmes (procédés de fabrication, savoir-faire particulier, fichiers commerciaux…) et pour la collectivité nationale dans son ensemble, soit que ces informations portent sur des technologies de souveraineté, soit que le risque de dissémination puisse fragiliser l’entreprise sollicitée et porter ainsi atteinte à l’intérêt économique national.

Ce type de requête, qui tend à se multiplier, peut être accompagné de menaces à l’égard des entreprises concernées de se voir interdire toute activité sur le territoire de l’Etat d’origine de la requête en cas de non-exécution des demandes présentées en vue d’obtenir des éléments de preuve.

2/ Un dispositif législatif simple, contraignant et assorti de sanctions

Les entreprises françaises doivent savoir que la France a mis en place un dispositif législatif imposant à toute personne publique ou privée française, soumise à une demande de renseignements d’une autorité publique étrangère, l’interdiction de toute communication de documents dès lors qu’elle est de nature à constituer une menace notamment à l’égard des intérêts économiques essentiels « sensibles », ou qu’elle tend à la constitution de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative étrangère.

De fait, la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique, à des personnes physiques ou morales étrangères, est régie par la loi n°68-678 du 26 juillet 1968 (modifiée par la loi n°80-538 du 16 juillet 1980 et présentée dans sa version consolidée du 22 septembre 2000).

2.1/ La loi du 26 juillet 1968 introduit une double interdiction

L’article 1 dispose : « sous réserve des traités ou accords internationaux, il est interdit à toute personne de nationalité française, ou résidant habituellement sur le territoire français, et à tout dirigeant, représentant, agent ou préposé d’une personne morale y ayant son siège ou un établissement, de communiquer par écrit,oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit, à des autorités publiques étrangères, les documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique dont la communication est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels de la France ou à l’ordre public, précisé par l’autorité administrative en tant que de besoin ».

L’article 1 bis prévoit : « sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur, il est interdit à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement, ou sous toute autre forme, des documents ou renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères, ou dans le cadre de celles-ci ».

2.2/ Elle comporte également une obligation d’information de l’autorité publique française compétente.

L’article 2 dispose : « Les personnes visées aux articles 1er et 1er bis sont tenues d’informer sans délai le ministre compétent lorsqu’elles sont saisies de toute demande concernant de telles communications ».

2.3/ Le respect de ces interdictions est garanti par un mécanisme de sanctions pénales.

L’article 3 prévoit : « Sans préjudice des peines plus lourdes prévues par la loi, toute infraction aux dispositions des articles 1er et 1er bis de la présente loi sera punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 18000 euros ou de l’une de ces deux peines seulement ».

Par conséquent, dès lors que l’on se trouve hors du champ d’application d’une convention internationale, d’une loi ou d’un règlement spécifiques, la loi de 1968 impose à toute personne publique ou privée française, soumise à une demande de renseignements par une autorité publique étrangère, d’une part l’interdiction de toute communication dès lors qu’elle est de nature à constituer une menace notamment à l’égard des intérêts économiques essentiels ou qu’elle tend à la constitution de preuves dans le cadre d’une procédure judiciaire ou administrative étrangère et d’autre part l’obligation d’informer l’Etat de cette demande.

3/ Un dispositif qui peut apporter une protection efficace contre les sollicitations indues

3.1/ les acteurs &
#233;conomiques sont soumis à deux grandes familles d’obligations légales

Quels acteurs économiques sont soumis à ce dispositif ?

i) Le principe est très général : il s’agit de toute personne physique et morale ;

ii) Territorialité : personnes résidents en France, y compris les établissements filiales d’entreprises étrangères. La loi s’applique donc à toute société régulièrement installée sur le territoire français quelle que soit la nationalité de son propriétaire. Inversement, la filiale étrangère d’une société française est soumise au droit de l’Etat d’installation.

Quelles informations sont concernées ?

Il s’agit d’une interdiction de communication par écrit, oralement ou sous toute autre forme, en quelque lieu que ce soit des renseignements ou des documents :
-  demandés par des autorités publiques ou parapubliques étrangères en dehors de toute procédure judiciaire (article 1) ;
-  tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci (article 1 bis). La vocation de cet article est de favoriser le respect de la Convention de La Haye du 18 mars 1970 relative à l’obtention de preuve en matière civile ou commerciale, qui organise des procédures spécifiques devant être utilisées par les autorités des Etats signataires pour la recherche et la collecte de preuves.

Les communications interdites diffèrent sensiblement selon que l’on se place dans le champ de l’article 1er ou de l’article 1er bis : dans le premier cas, seules sont prohibées les communications « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts essentiels de la France ou de l’ordre public » ; dans le second cas, cette condition n’est pas requise, la simple méconnaissance des procédures régulières d’obtention de preuves suffisent à caractériser l’infraction.

La portée de ces interdictions est par conséquent très large : la définition des informations vise, de façon générique, « les domaines économiques, commercial, industriel, financier ou technique », c’est-à-dire l’ensemble des données se rattachant à l’activité des entreprises ; de même le texte de la loi englobe tous les modes de communication envisageables en mentionnant l’oral, l’écrit ou « toute forme », cette dernière expression permettant de couvrir les moyens de communication moderne tels que les envois télématiques ou par courriel.

Il est, toutefois, important de souligner que la loi du 26 juillet 1968 énonce un principe général auquel il peut être dérogé par d’autres dispositions, dérogatoires, qui autorisent et organisent expressément la communication d’informations à des autorités publiques étrangères : ainsi par exemple de la convention franco-américaine signée le 3 décembre 1988 relative à l’assistance mutuelle en matière douanière et de la déclaration commune entre la Commission bancaire et l’Office of Thrift Supervision concernant la coopération réciproque et l’échange d’informations pour le contrôle bancaire et prudentiel de 2002.

Si les Etats étrangers ne sont pas tenus de prendre en compte l’existence de la loi de 1968 ( ), l’existence même de cette loi et des interdictions dont elle est assortie peut influencer leur décision. Ainsi, aux Etats-Unis, les juges appliquent néanmoins la théorie de l’équilibre des intérêts (balancing of interest act) par laquelle, tout en se reconnaissant le droit d’obtenir communication de toute information qu’il juge utile, ils écartent l’application de sanctions trop lourdes à l’égard de celui qui invoque la loi de juillet 1968 et recherchent quels sont les intérêts nationaux en jeu.

Il n’existe pas de jurisprudence en vertu de l’article 1 de la loi. En revanche, l’article 1-bis a été invoqué dans plusieurs cas. Ainsi, un arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 28 mars 2007 ( ), a abouti à la condamnation pénale d’un professionnel du droit pour recherche d’informations en méconnaissance des dispositions de la Convention de la Haye. Cette décision constitue l’unique exemple répertorié d’application des sanctions pénales instituées par la loi.

Comment s’organise l’obligation d’information ?

Il s’agit de tenir informé sans délai le ministre compétent de toute demande de documents ou de renseignements. La loi et le décret 81-550 du 12 mai 1981 précisent que les personnes concernées doivent s’adresser au ministre des affaires étrangères. Toutefois, les personnes visées peuvent informer le ministre de la justice, le ministre de l’économie ou le ministre dont relève l’activité qu’elles exercent.

3.2/ Le dialogue avec l’administration peut permettre aux entreprises d’assurer la sauvegarde de leurs intérêts.

i) L’obligation d’information de l’autorité publique ne vaut pas consultation a priori, ni demande d’autorisation a posteriori. La loi fait, en effet, obligation aux personnes sollicitées par des autorités publiques étrangères d’informer l’autorité publique française mais non à celle-ci de répondre. L’administration française n’a pas, en outre, à délivrer d’autorisation et n’est pas tenue de qualifier la nature des intérêts mis en cause dans les cas soulevés par un acteur économique.

L’administration, informée conformément à l’article 2 de la loi de juillet 1968 par une entreprise sollicitée par une autorité étrangère, peut au cas par cas rappeler le risque qu’encourt cette entreprise à communiquer des informations mettant en cause ses intérêts économiques essentiels.

ii) Cette information peut conduire à soutenir, auprès des autorités publiques étrangères qui sont à l’origine de la demande d’information, le refus de communiquer opposé sur le fondement de la loi. Le rôle de l’Etat est d’aider les entreprises à se protéger contre les procédures intrusives. A cet effet, les autorités françaises considèrent que le principe d’interdiction de communiquer des renseignements formulé par la loi de 1968 doit obliger les autorités étrangères à utiliser des mécanismes de coopération entre autorités de supervision publique, aussi bien dans le domaine de la recherche de preuves (Convention de 1970) que dans d’autres marqués par le comportement intrusif de certaines autorités étrangères.

iii) La conclusion d’accord bilatéraux par les administrations et organisations publiques au cas par cas est une bonne méthode d’organisation de la circulation des informations sensibles. Celle-ci peut se fonder sur l
a mise en place de système de coopération entre autorités de supervision publique dans une logique de reconnaissance mutuelle des contrôles réalisés au niveau national.

A titre d’exemple, on peut citer le cas des inspections de douaniers américains sur le territoire français, en vertu de la procédure C-TPAT, qui ont conduit les douanes françaises à instaurer de nouvelles pratiques dans son dispositif : information des principaux exportateurs vers le territoire des Etats-Unis, suivi des vérifications étrangères aux fins de s’assurer qu’elles se limitaient à la chaîne logistique et n’étaient pas de nature à obtenir des informations sensibles au sens de la loi de 1968, accord de principe des douanes américaines pour annoncer ses visites.

Le Haut Responsable chargé de l’Intelligence Economique auprès du SGDN, le Coordonnateur Ministériel à l’Intelligence Economique auprès du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Emploi ou un professionnel du droit sont à même de vous apporter toute information complémentaire que vous jugerez utile.

Source : intelligence-economique.gouv.fr



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En 2012, pour gagner en précision et efficacité, toujours dans l’esprit d’une revue de presse (de web), les textes évoluent, ils seront plus courts et concis avec uniquement l’idée principale.
En 2022, les publications sont faite via mon compte de veilles en ligne : http://veilles.arnaudpelletier.com/
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