Publications de la Cour, Rapport annuel 2010 Troisième partie.
[…]
- Le droit de prendre connaissance de la vie privée d’autrui dans un intérêt privé
Le droit au respect de la vie privée peut trouver dans la prise en considération d’intérêts privés un juste motif de s’incliner, dans la mesure nécessaire à la satisfaction de ces intérêts légitimes. C’est ainsi que doivent se concilier entre eux le droit de savoir du créancier et le droit au respect de la vie privée du débiteur le droit de savoir de l’employeur et le droit au respect de la vie privée du salarié, et que le droit au respect de la vie privée de chaque conjoint doit composer avec le lien conjugal.
[…]
Sommaire :
2.1. Le droit de savoir reconnu dans l’intérêt d’un particulier ou d’une autorité
2.1.1. Le droit de savoir face à un droit de contrôle sur des informations confidentielles
2.1.1.1. Le droit de savoir et la confidentialité du fonctionnement d’une entreprise
2.1.1.1.1. Secret des affaires et concurrence
2.1.1.1.1.1. Le droit des pratiques anticoncurrentielles
2.1.1.1.1.2. L’article 145 du code de procédure civile
2.1.1.1.2. Confidentialité des informations de l’entreprise et droit de savoir des représentants du personnel
2.1.1.1.2.1. La confidentialité des informations remises au comité d’entreprise ou aux experts du comité
2.1.1.1.2.2. La confidentialité des informations internes de l’entreprise et les droits des salariés
2.1.1.2. Le droit de savoir et le droit au respect de la vie privée
2.1.1.2.1. Le droit de prendre connaissance de la vie privée d’autrui dans un intérêt privé
2.1.1.2.1.1. Le droit de savoir du créancier et le droit au respect de la vie privée du débiteur
2.1.1.2.1.2. Le droit de savoir de l’employeur et le droit au respect de la vie privée du salarié
2.1.1.2.1.3. Le droit au respect de la vie privée et le lien conjugal
2.1.1.2.2. Le droit de prendre connaissance de la vie privée d’autrui dans l’intérêt général
- 2. L’INFORMATION JUSTIFIÉE PAR LE DROIT DE SAVOIR : LE DROIT DE PRENDRE CONNAISSANCE D’UNE INFORMATION
À l’accès à l’information, à sa connaissance, le droit peut opposer des obstacles, tenant par exemple au caractère illicite de propos (par exemple la diffamation) ou à l’existence de secrets. La révélation de ces informations ou leur recherche (en quoi constitue par exemple une immixtion dans le secret de la vie privée d’autrui) est dès lors sanctionnée, civilement ou pénalement. Dans cette mesure, le droit de savoir est tenu en échec. Mais il arrive que la prise en considération d’intérêts contraires fasse pencher la balance vers le droit de savoir, l’accès ou la révélation à l’information n’étant plus alors sanctionné, mais justifié. Souvent le législateur ne tranche pas lui-même ces conflits d’intérêts. Il appartient alors au juge, en fonction de l’importance, de la valeur respective des intérêts en présence, de faire prévaloir l’un ou l’autre, en faveur ou non du droit de savoir. La jurisprudence de la Cour de cassation offre de nombreuses illustrations de ce rôle du juge, qui pèse les intérêts en présence et tranche le conflit en fonction des circonstances propres à chaque espèce. C’est ainsi que le droit de savoir peut être reconnu dans l’intérêt d’un particulier ou d’une autorité (2.1.) ou en faveur du public (2.2.).
- 2.1. Le droit de savoir reconnu dans l’intérêt d’un particulier ou d’une autorité
Certaines informations confidentielles font l’objet d’un droit de contrôle reconnu aux personnes qu’elles concernent et en vertu duquel elles peuvent faire l’objet d’une rétention dans l’intérêt de ces personnes. Mais des tiers peuvent parfois prétendre avoir un intérêt légitime à prendre connaissance de ces informations. Face à un droit de contrôle sur des informations confidentielles, le droit de savoir l’emporte parfois (2.1.1.). De même les secrets professionnels, qui lient leurs dépositaires, tenus de conserver par-devers eux les informations couvertes par le secret, sont parfois battus en brèche par la reconnaissance de l’intérêt légitime d’un tiers – un particulier, une autorité – à prendre connaissance de telles informations (2.1.2.).
- 2.1.1. Le droit de savoir face à un droit de contrôle sur des informations confidentielles
Les informations confidentielles relatives au fonctionnement d’une entreprise font l’objet d’une protection du droit, dont il faut voir comment elle trouve à se concilier avec le droit de savoir (2.1.1.1.). Dans un autre domaine, le droit au respect de la vie privée, que consacre l’article 9 du code civil, consiste en un droit de contrôle reconnu à chaque personne sur les informations de sa vie privée, informations confidentielles qu’elle a le droit de soustraire à la connaissance des tiers. Mais face au droit de savoir, le droit au respect de la vie privée doit parfois s’incliner (2.1.1.2.).
- 2.1.1.1. Le droit de savoir et la confidentialité du fonctionnement d’une entreprise
Dans un contexte de concurrence, la confidentialité du fonctionnement d’une entreprise doit pouvoir être assurée, dans une mesure qui est celle que notre droit reconnaît au secret des affaires (2.1.1.1.1.). Mais c’est également avec le droit de savoir des représentants du personnel que doit être conciliée la confidentialité du fonctionnement d’une entreprise (2.1.1.1.2.).
- 2.1.1.1.1. Secret des affaires et concurrence
Aucune loi ni aucun règlement ne précisant ce qu’il convient d’entendre par « secret des affaires », il est traditionnellement fait usage de la définition qu’en a donnée le Tribunal de première instance des Communautés européennes dans son arrêt du 18 septembre 1996, Postbank c. Commission (affaire no T-353/94, Rec., II, p. 921, point 87). Selon cet arrêt, « les secrets d’affaires sont des informations dont non seulement la divulgation au public mais également la simple transmission à un sujet de droit différent de celui qui a fourni l’information peut gravement léser les intérêts de celui-ci ».
Ne sauraient toutefois relever du secret des affaires les informations que les opérateurs économiques ont l’obligation de révéler au public, telles les informations figurant dans les comptes annuels que les sociétés sont tenues de rendre publics (Crim., 28 janvier 2009, pourvoi no 08-80.884).
Si le droit des pratiques anticoncurrentielles est le domaine privilégié de mise en œuvre de la notion de secret des affaires (2.1.1.1.1.1.), la Cour de cassation a également dû se prononcer sur la protection du secret des affaires du défendeur dans les procédures fondées sur l’article 145 du code de procédure civile (2.1.1.1.1.2.).
- 2.1.1.1.1.1. Le droit des pratiques anticoncurrentielles
En ce domaine, l’actualité juridique est davantage législative et réglementaire que jurisprudentielle.
Pendant longtemps, la protection du secret des affaires a été mal assurée en droit français. La seule disposition y faisant référence en droit national était l’article 23 de l’ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence. Cet article disposait : « Le président du Conseil de la concurrence peut refuser la communication de pièces mettant en jeu le secret des affaires, sauf dans les cas où la communication ou la consultation de ces documents est nécessaire à la procédure ou à l’exercice des droits des parties. Les pièces considérées sont retirées du dossier. »
[…]
Publications de la Cour, Rapport annuel 2010 Troisième partie.
En savoir plus :
source http://www.courdecassation.fr/publications_cour_26/rapport_annuel_36/rapport_2010_3866/etude_droit_3872/e_droit_3876/reconnu_interet_3877/face_droit_19405.html
Merci à Jean Marie GLORIEUX pour l’idée.